Si tu étais un rêve ?

Je nageais dans l'espace, et j'avais des gâteaux apéritifs à la main, que je jetais devant moi avant de les happer dans le vide intersidéral sans interrompre ma magnifique brasse coulée. Une voix retentit.

« ROBERT ! »

Cela m'a intrigué. Je ne m'appelle pas Robert.

Levant la tête, je vis un gigantesque Gargopil. 

« ROBERT ! J'AI BESOIN D'AIR !

-Mais enfin ! Tu ne dors pas à cette période de l'année ? (C'était l'été, raison pour laquelle je n'avais pas froid dans l'espace).

-SI ! MAIS JE RÊVE ! COMME TOI ! VITE ! DE L'AIR ! J'AI MAL INSPIRÉ ! 

-Tu étais bien mal inspiré ! Mais je n'ai pas d'air ! 

-ALORS COMMENT RESPIRES-TU ? TU ES GONFLÉ ! TU NE MANQUES PAS D'AIR ! 

-Mais oui tu as raison ! J'arrive ! »

Je lui fis donc du bouche-à-bouche, ce qui prit du temps vu la différence de taille. « POURQUOI CE GOÛT DE CHIPS, ROBERT ? »

Malgré cette plainte, il fut content. Et ce baiser lui fit tellement d'effet qu'il tomba amoureux de moi. Ne pouvant refuser, nous nous mariâmes dans les étoiles, celles qui voulurent bien répondre à l'invitation. Et je me souviens que nous nageâmes dans l'océan spatial jusqu'à atterrir dans une galaxie à forme de chips. A cet instant, notre enfant naquit.

« PUISQUE CE N'EST PAS TON NOM, NOUS L’APPELLERONS ROBERT ! »

(Je sens que vous avez besoin d'une ou deux explications : tout d'abord, le gargopil  est une marmotte aquatique de couleur verte qui hiberne au printemps et une partie de l'été. Étant un mammifère, il doit prendre pour ce faire une très grande inspiration, et attention à ne pas se louper sous peine de se noyer...

Ensuite, me souvenant difficilement de mes rêves, j'ai choisi pour répondre à cette question de vous partager le résultat d'un exercice d'écriture dont la consigne était « concevoir un animal fantastique, puis décrire un rêve où vous rencontrez cet animal. Quand vous partagerez le texte, nul besoin de faire part de la description première de l'animal »-moi je l'ai fait quand même car j'ai l'âme charitable. N'hésitez pas à essayer cet exercice entre amis, vous verrez, c'est très rigolo.) 

 

Si tu étais un comedy club ?

Pour le concept, le « 4e mur ».

Pour l’espace et le temps qu’on nous y donne ainsi que pour l’audace de faire des spectacles plusieurs fois par jour et tous les jours, le « So Joke Comedy Club ».

Et un jour j’aimerais en monter un, pour le nom j’hésite entre le « Plateau Nique la Logique » (mon côté philosophe asexuel aime le jeu de mot avec « platonique », mais l’acronyme PNL risque de me poser problème dans la mesure où risquant de détrôner le groupe par l’immense succès assuré, ils pourraient me faire un procès ) ou bien « le Plateau de Thé ». 

 

Quel est ton meilleur souvenir sur scène ?

Un beau soir, à l’époque mythique où je faisais de l’improvisation, il arriva une scène qui s’étirait en longueur. Il ne restait que 30 secondes. Les héros étant empêtrés dans leur quête, ce peu de temps ne pouvait être suffisant pour conclure…N’écoutant que mon cœur d’improvisateur, je me précipitai sur scène, dans la peau d’un vieux magicien s’adressant ainsi aux voyageurs, d’une traite : 

« Répondez à mon énigme et vous arriverez au trésor… Qu’est-ce qui a trois pattes ? Un indice, c’est un tabouret !»

Les rires furent très forts à cet instant précis. Et moi, j’aime bien quand je fais rire (de toute évidence, sinon ma vocation d’humoriste serait étrange). C’est un des épisodes de ma vie d’improvisateur dont je me rappelle le mieux, et un de mes meilleurs souvenirs sur scène, donc. 

Depuis, le tabouret est un peu mon animal totem ; et dans "totem", il y a deux T, comme dans "Matthias", et comme dans "tabouret", c’est fou. 

 

Si tu devais citer tes 3 humoristes francophones préférés ?

Toutes époques confondues : Pierre Desproges

Qui nous est contemporain : François Rollin

En activité : M.Fraize

 

Si tu devais donner un avis général sur le stand up ?

Pour être honnête, je dois d'abord admettre que j'ai un peu du mal avec ce terme. Principalement parce que je suis un maniaque de la langue française (et d’ailleurs, merci de m’accorder cette entrevue), mais j’ai tout de même pris le soin de développer une réflexion un peu plus poussée derrière, afin de ne pas passer pour un névrosé total. 

Je considère que nous faisons tous de l'humour, je dirais même du théâtre. Ça paraît étrange dit comme ça, car on a en tête le théâtre classique, au jeu et à la diction exagérés.

Mais pour moi on peut parler de théâtre dès qu'il y a une personne sur scène devant des gens.

Au fond, en quoi ce que nous faisons serait si différent du rakugo japonais, des numéros de cabaret d'un Robert Lamoureux, ou bien des monologues de Feydeau qui précédaient les pièces de théâtre lors de la Belle Époque, par exemple ?

Certes, on pourrait argumenter que ce style à l'américaine se concentre sur le texte, ou bien qu'il rend floue la distinction entre personnage et interprète puisqu'il consiste essentiellement à raconter sa vie ou bien exposer son point de vue.

Mais à mes yeux, cela ne change pas grand chose. Venir parler de sa vie avec vraisemblance (car tout n'est pas toujours 100% conforme dans ce qui est dit), ça demande un jeu d'acteur. Apprendre son texte, savoir le réciter avec les bonnes intonations en respectant le rythme, les temps, capter l'attention du public ; tout ça, c'est théâtral. 

Et si l’on définit la discipline comme un canevas autour duquel l’humoriste va broder, ce n’est pas si éloigné de la comedia dell’arte.

Même l’adresse directe au public rappelle les apartés, ou bien les monologues : que ce soit celui de l’Avare ou bien ceux d’Hamlet par exemple, il s’agit d’un partage au public des réflexions du personnage ou de sa vie intérieure.

Je pourrais même aller plus loin : quand quelqu'un raconte la même anecdote à des amis différents, il y a déjà une perte de spontanéité ; et donc ce n'est pas si éloigné du théâtre. Et puis en plus, la vie en société n'est-elle pas déjà un théâtre ? Ne sommes-nous pas des personnages nous adaptant à la situation et à l'interlocuteur ?

Monter sur scène, c'est mettre en évidence le théâtre social. 

Après, évidemment que ce que j'ai choisi de désigner comme « style à l'américaine » a ses spécificités, qui participent à son succès d'aujourd'hui.

Comme les sujets généralement abordés parlent à tout le monde et que les prestations se diffusent d'autant plus facilement aujourd'hui que les plateformes vidéos se multiplient, comme il donne l'impression que chacun peut monter sur scène pour parler de sa vie, sans avoir à se soucier en plus d'avoir à porter sa voix grâce au micro, c'est un genre qui ne peut que se démocratiser. 

Seulement, à mon sens, démocratiser c'est bien, mais ça tend à uniformiser. 

Il devient de plus en plus difficile de se diversifier, et je ne pense pas être le seul à partager ce constat. 

Je trouve ça dommage, car l'humour est l'occasion de s’assumer avec force : pour moi ça ne doit pas être pour rentrer dans un moule.

Ça, c'est la critique plutôt formelle que je me permettrais.

En ce qui concerne le fond, je trouve que si ce style révèle l'importance de l’autodérision, il ne va souvent pas beaucoup plus loin que le simple divertissement (attention, c'est déjà très bien, et c’est loin d’être facile, je suis absolument d’accord). Cela est d’ailleurs lié à la forme : comme je l’ai dit plus haut, je vois ce style comme étant aujourd’hui une pratique codifiée dont les codes deviennent contraignants, alors qu’ils se voulaient libérateurs. 

Par exemple, avec le dogme de l’efficacité, le fameux « rire toutes les 5 secondes », qui peut empêcher de développer des choses un peu plus sérieuses ou poétiques. 

Ou alors avec la quasi injonction à une certaine simplicité qui, je trouve, méprise presque le public.

Ça me fait penser à ce que faisait Feydeau : ses pièces se basent sur la médiocrité humaine, c’est admirablement minuté et franchement très drôle, mais je ne crois pas que ce soit lui faire injure que de reconnaître que ça ne va pas beaucoup plus loin que le divertissement. Molière, en revanche, est peut-être un peu moins systématiquement hilarant dans certaines de ses pièces, mais il y a très souvent chez lui un intérêt moral, une réflexion sociale, une satire de caractères. C’est peut-être moi qui manque de culture sur ce qui se fait aujourd’hui, mais j’ai l’impression que le divertissement pur est un peu trop présent par rapport à la satire réfléchie, et sans parler de propositions plus fantaisistes.

Je dis ça sans vouloir nullement déprécier ceux de la première catégorie, encore une fois. Je déplore juste ce que je ressens comme un manque de diversité artistique.

En tant que spectateur comme en tant qu'artiste, je pense que rire du quotidien permet de divertir mais pas d’emmener ailleurs ; et qu'idéalement, l’humour devrait aussi servir à élever, à émouvoir, à interroger. Pas forcément dans un sens politique de dénonciation, mais aussi dans un sens spirituel, voire existentiel. 

Oui, existentiel ! J’ose ! Voulons nous détourner le regard des orbites béantes de la mort, ou bien voulons nous assumer l’absurdité de l’existence bravement par le rire ? 

Rions de la mort. Mourons de rire. Ne rions pas seulement de la vie quotidienne. Rions car nous sommes en vie. 

Tout cela n'est évidemment que mon avis actuel. 

Pour en revenir à la question du nom de ce que nous faisons, je préfère donc le terme de seul-en-scène par exemple, car il comporte d’emblée l’idée de scène.

Tandis que définir la discipline comme du « debout » (selon la traduction littérale), ça me paraît ne pas avoir beaucoup de sens, encore moins dans la mesure où on la pratique quand même assez souvent assis sur un tabouret (oui, encore le tabouret).

Je propose donc de parler de seul-en-scène comique. 

Assumons pleinement la dimension théâtrale de notre pratique. N’ayons pas peur, mes amis, je vous le dis. Faudrait-il céder à cette tendance à vouloir séparer l’art en deux catégories irréconciliables, l'humour populaire, et le théâtre élitaire ? Je dis non !

Je dois aussi dire un mot sur l’emploi si répandu du micro.

Je n’aime pas celui-ci. Il ne nous enjoint pas à travailler notre diction. Il nous empêche de jouer avec nos mains. Mis à part Louis C.K qui exploite parfois les possibilités d’effets sonores qu’il renferme, je n’ai jamais vu d’utilisation pertinente et réellement justifiée du micro. 

D’accord, dans les bars, il peut y avoir du bruit parasite et tout le monde n’écoute pas forcément attentivement ; et l’acoustique n’est pas toujours idéale. Mais pour jouer sans micro pour ma part, j’affirme que c’est tout à fait possible et, je le pense, souhaitable.

D’autant plus que nous nous devons de nous préparer à l’effondrement technologique qui nous guette. Bientôt, les micros, les plateformes vidéo, tout cela ne sera plus qu’un lointain souvenir partant se noyer dans l’obscurité abyssale de l’écran noir, éteint à jamais.

Lorsqu’il en sera ainsi, lorsqu’il faudra divertir, réconforter, permettre à la société de continuer à créer du lien en regardant ensemble dans une même direction, qui sera là ? Qui se dressera face au public ayant soif de consolation ? Nous.

Notre mission à venir est bien trop importante. C’est notre destin que je vous décris là.

Aussi, je vous le dis, mes frères, mes sœurs, humoristes de tous horizons : faites comme moi. Laissez tomber le micro. 

(Ça ferait une belle conclusion ça dis donc, non ?)

Mais ce n’est pas tout ! Comment ne peut-on pas se révolter contre l’américanisation de notre société ainsi que la montée des anglicismes dans notre si belle langue française (car oui, c’est ça la motivation de cette dissertation au départ) ?

Dès que l’on commence à vouloir s’inspirer des habitants des États-Unis d’Amérique en matière d’humour, ça finit mal. Un exemple ? Gad Elmaleh. Un autre ? La démocratie. 

Il s’agit d’une malédiction divine à n’en point douter. Nous devons réagir. 

Rendez-nous Molière ! Rendez-nous le Roi !

Ce pays bâti sur un cimetière indien -comme l’a fait remarquer un anonyme sur la Toile- ne peut que nous porter malheur !

J’estime que notre pays, au contraire, doit faire contrepoids à cet impérialisme culturel qui veut tout banaliser, codifier, acheter, aseptiser, catégoriser.

Nous devons opposer un modèle de Fraternité !

Nous devons inspirer à ce pays si orgueilleux un peu plus d’Humilité !

Et puisque l’on parle d’humilité, ayant conscience du rôle indéniable que je risque d’être amené à jouer dans cette lutte géopolitique, ainsi que dans cette tendance à l’uniformisation qui se confronte au repli identitaire, ayant reçu, donc, l’illumination, je profite de cette tribune que l’on m’a si généreusement donnée ! 

Je m’adresse à vous, peuple de France, vous, Français de cœur, de langue, de tripes, en un mot d’esprit !  

Luttons contre les tentations de tous les communautarismes ! 

Plutôt que de mettre en avant nos différences comme retournements des stigmates, mettons en avant nos ressemblances !

C’est ça, mon idéal artistique. 

Et, pour en dire un peu plus sur mon programme, il est simple : je souhaite décloisonner le théâtre, l’humour et la littérature. 

Je souhaite bien m’adresser à un public large, et décloisonner, donc, afin que ceux qui prennent tout au sérieux puissent s’amuser un peu ; que ceux qui aiment rire toujours puissent rencontrer des façons de voir dont ils n’ont pas l’habitude ; et pouvoir donner à tous un nouvel élan dans leurs vie ou projet.

Les scènes ouvertes sont d’ailleurs les bons lieux pour cela car la programmation réserve toujours des surprises. 

Et donc, arborant fièrement les couleurs bleu blanc rouge (maillot bleu, chaussures blanches et nez rouge), j’accepte humblement cette tâche, puisque vraiment, depuis le début, je vois bien que vous insistez. 

J’accepte de réconcilier la France de la Révolution et la France de la Royauté !

J’accepte de mettre en avant la diversité culturelle au niveau mondiale en devenant le nouvel étendard national, le nouveau Molière !

Vive la France !

Ça va, je ne m’emballe pas trop ?

J’aurais bien aimé développer un peu plus, mais on ne m’a demandé qu’un avis général.

Et oui, tout ce cheminement vient du fait que je n’aime pas l’anglais. J’assume.

 

Enfin pourrais-tu me décrire ton parcours, ton travail actuel, tes projets, que peut-on te souhaiter à l'avenir dans le stand up ?

J’ai commencé la scène par l’improvisation théâtrale en 2008, que j’ai pratiquée régulièrement jusqu’à 2019. 

J’ai suivi l’option Théâtre au lycée en Première, en 2012, puis j’ai continué lors de mes études en prépa littéraire de 2014 à 2016.

En 2016, je me suis inscrit en conservatoire départemental pour en sortir en 2019 avec le D.E.T (Diplôme d’Études Théâtrales) ; j’ai aussi fait une L3 en Arts du Spectacle à l’université Paris Ouest de Nanterre, qui fut l’occasion de mes tout débuts dans l’humour grâce au festival « Arti'show » organisé par Article X, association qui existe encore aujourd’hui et que je salue et remercie.

De 2019 à 2021 j’ai suivi des cours à l’École Périmony. 

En 2020, j’ai commencé des cours loisirs dédiés au seul-en-scène comique proprement dit aux Ateliers Comédie.

En 2021, j’ai fait un stage dédié au seul-en-scène notamment animé par Éric Laugérias et François Rollin.

Depuis 2022, je suis à nouveau aux Ateliers Comédie pour l’accompagnement professionnel, nouvelle formule de leur part que je recommande.

Je suis également un cours hebdomadaire à l’école de théâtre l’Athanor, qui me permet aussi de suivre un atelier d’écriture théâtrale mensuel, qui m’aide à écrire mon seul-en-scène. 

En tant que comédien, je participe à un laboratoire autour de Shakespeare qui devrait aboutir à un projet professionnel pour la saison prochaine.

En tant qu’humoriste, je rôde et me rode dans les scènes ouvertes.

Et enfin (ouf), ce qu’on peut me souhaiter, c’est d’avoir mon spectacle écrit en juin pour pouvoir idéalement le jouer à la rentrée scolaire prochaine.

 

Mon ressenti :

Matthias me fait penser à un mélange de Frankie Muniz (la série Malcolm), Robin Williams (Le cercle des poètes disparus) et Edouard Baer (Astérix et Obélix Mission Cléopatre) vu son univers burlesque et une maturité incroyable malgré son jeune âge.

En effet, notre humoriste amoureux de la langue française manie les blagues avec dextérité et nous gratifie de calembours travaillés qui démontrent un humour poétique de haute volée.

Euh tu ne voudrais pas faire le remake de Malcolm pour la TV ?

Ainsi, Matthias propose des passages sur scène vraiment bien structurés avec des fils rouges, des degrés différents de blagues à mesure qu’avance le texte.

Naturel, facétieux, fin et généreux, notre virtuose peut se mettre l’Olympia et n’importe quelle salle de spectacle dans sa poche vu son talent XXL.

J’ai fait un rêve, c’était de voir un duo Matthias/Edouard Baer sur scène accompagné de mochis et d’un thé glacé.

En bref, si tu veux avoir des fous rires va le voir jouer sur tous les comedy clubs de France.

 

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